Les parties vocales dans les symphonies de Mahler

Mahler n’est pas le premier ni le dernier à écrire des parties vocales dans ses symphonies. Avant lui, il y a eu la fameuse 9ème symphonie de Beethoven, et après lui il y aura aussi Chostakovitch.

En tant que chanteurs, on nage dans les opéras, cantates, lieder, mélodies. C’est vrai qu’on ne pense pas à chanter dans les symphonies. On ignore ces œuvres dans notre pratique, c’est très dommage.

La 2ème symphonie « Résurrection », est la première qui inclut la voix chez Mahler, qui a été inspiré par la 9ème de Beethoven. Le 4ème mouvement « Urlicht » est pour mezzo-soprano solo, qui ensuite enchaîne avec le magnifique final en duo de soprano et alto, suivi par le chœur. Cette interprétation de Dame Janet Baker est ma version préférée:

La plus connue est la 3ème symphonie, hommage à la nature et l’homme. Elle fait partie des plus longues symphonies au monde : environ 90 minutes (Mozart va tomber dans les pommes). Le 4ème mouvement évoque la naissance de l’homme, le solo de mezzo-soprano est lent comme dans un songe mystérieux. J’imagine une scène de monologue d’opéra, style Wagner.

C’est difficile de décrire la musique par les mots, je cherche comment mieux exprimer… C’est fatigant d’écouter la 3ème symphonie en entier, car on assiste à la création de ce monde. Il y a tout : une légère brise et la tempête, un petit insecte et l’humanité, un arbre et toute une chaîne de montagnes… Mahler est le seul homme qui se met au sommet, qui l’observe, l’admire, et réfléchit. Sa musique, par sa grande profondeur, donne un sentiment d’éternité. Ces parties vocales montrent que justement, l’homme joue un rôle dans l’univers, mais minuscule, face à la nature.

Ma préférée est la 4ème symphonie, qui est moins connue. Mais c’est celle que je connais le mieux, car je l’avais étudié au cours d’analyse. Je trouve qu’elle est charmante et lumineuse, il y a de la joie et de l’espérance, ce qui change de la couleur sombre habituelle de Mahler. Dans le solo soprano (ou mezzo) « la vie céleste », on chante la gourmandise et le grand respect de la musique. Qu’est-ce que c’est beau de terminer par « Ces voix angéliques réchauffent les cœurs ! Et tout s’éveille à la joie ».

Grand merci à Mahler qui a écrit autant de belles choses pour la voix de mezzo. Cette voix chaleureuse et sensuelle est souvent cachée par la brillance de soprano. Chez Mahler, le couleur de mezzo correspond tout à fait à l’atmosphère dramatique et mystique.

La 8ème « Des mille » est comme une gigantesque cantate de « Faust ». 8 solistes, 1 chœur d’enfants, 2 chœurs d’adultes : la première représentation à Munich a eu 850 chanteurs sur la scène… Niveau vocal c’est très difficile, même pour les parties des chœurs, qui touchent les notes extrêmes. Il y a plein de passages dissonants, ça demande aussi de la force vocale et la maîtrise de la justesse. J’ai une ancienne collègue du Conservatoire de Chine, qui après avoir participé à la représentation de la 8ème de Mahler en tant que soprano dans le chœur, m’a dit qu’il y a plein de moments, elle ne savait même pas si elle a chanté juste : « De toute façon ça sonne faux ! ».