La cuisine chinoise me manque.
Comme en France, chaque région de Chine a sa spécialité. Il y a huit grands systèmes de cuisines régionales. Par exemple, à Pékin, on mange salé, et plus de farine (raviolis, pâtes, galettes), que de riz. A Shanghai, on mange plus de poisson, crabe et crevette. Ils mettent de l’alcool jaune et un peu de sucre dans leur cuisine. Au Sichuan, c’est très pimenté à cause de leur climat humide. Même si vous commandez un plat sans piment, ça pique : parce que leurs casseroles et woks sont baignés dans les piments tous les jours. À Guangdong, le goût est plus léger, il y a plus de cuisine à la vapeur.
Ce qui me manque plus, c’est la cuisine de la rue. On peut manger n’importe quand, n’importe où, dans les stands ou à emporter. Dans les marchés alimentaires, on trouve facilement de la nourriture « prête-à-manger », chaud ou froid, sucré ou salé.
Les marchés de nuit existe depuis 1700 ans. En été, ils sont ouverts de 22h à 3h du matin : c’est une balade gourmande pour éviter la chaleur de la journée. Les brioches à la vapeur, les tofus et les poulets frits, les galettes aux œufs, les brochettes d’agneau, les calamars et les maïs grillés, les gâteaux d’aubépine… Quand il y a de la bonne nourriture, les gens et les bruits me gênent moins.
La cuisine chinoise est liée à la médecine traditionnelle : le mélange de protéines, de légumes et de céréales crée un équilibre. Les herbes et le gingembre, le sésame, etc, relèvent le goût.
À la base de notre cuisine, il y a cinq goûts différents : acide, sucré, amer, pimenté et salé.
Les qualités à respecter sont : couleur et forme, arôme et saveur, et puis la texture.
Le canard laqué de ma ville natale est connu dans le monde entier. Quand on le mange à Pékin, c’est une cérémonie. Le cuisinier va trancher un canard laqué entier devant notre table. Chaque tranche contient une partie de peau croquante et une partie de chair tendre. Quelques tranches spéciales de la peau sur la poitrine du canard (la meilleure partie) sont servies séparément avec un peu de sucre : c’est pour la personne la plus âgée de la table.
On roule les tranches de canard, la sauce sucrée-salée à base de pâte de soja, et un peu de poireau et concombre, dans une petite galette cuite à la vapeur, transparente. Mon premier rouleau était toujours pour ma grand-mère.
Tous les plats sont faits pour être partagés. Cette façon de manger me manque depuis que je vis en France. Avoir plusieurs plats en même temps sur la table, tout le monde se sert comme il veut. On n’a pas besoin de demander qui veut quoi, « Je te sers ? Qui veut reprendre ?…» ni de faire passer un plat dans les mains de chacun. C’est normal d’avoir 6 ou 8 plats pour une table de 5 personnes. Dans notre culture, on préfère en avoir beaucoup trop que pas assez. Mais il n’y aura pas de gaspillage, parce qu’on a l’habitude d’emporter les restes après un repas au restaurant.
Dans les restaurants, on trouve facilement en moyenne 200 plats différents à la carte. Comme il y a des restos partout, la concurrence est très forte. Même les petits bouis-bouis sont très bons.
Chaque fois, je reviens de mes vacances en Chine avec quelques kilos de plus. C’est un paradis où je desserre ma ceinture, pour manger tout et tout le temps.
En France, j’ai mangé des choses dégueulasses dans des restos chinois qui ne méritent pas d’exister. Ça m’est arrivé d’être en colère en mangeant ces plats « pas possibles », et puis d’engueuler la patronne du resto en sortant, scandaleux… Les accompagnements dans les plats sont toujours les mêmes : oignons, poivrons rouges et verts. Le goût est moins prononcé, car les français mangent plus léger, pas pimenté et pas très salé. Pourtant il y a beaucoup de friture : des bananes et des pommes frites, les nems et samoussas que je n’ai jamais vus en Chine.
Ces restos sont souvent tenus par des asiatiques qui ne sont pas chinois. Le concept est tout simple : si on fait un wok avec de la sauce soja, ça fait de la cuisine chinoise. Quand vous voyez un resto chinois qui fait des nems, il ne faut pas entrer. Ces gens n’ont pas de respect envers leur métier. Quand vous voyez un resto chinois qui fait des nems et des sushis, je vous propose de lancer un gros bout de pierre sur leur vitrine. C’est une honte !
C’est dommage de donner une image de friture et quelque chose de pas beau, pas cher. Alors que notre cuisine est si variée et délicieuse, on ne voit pas du tout de qualité raffinée dans ces restos.
J’ai une collègue qui me parlait de la cuisine chinoise en me disant qu’elle adore les nems. Je lui ai dit que c’est de la cuisine vietnamienne. Quelques semaines après, elle me dit qu’elle a fait des nems chez elle : elle m’a demandé ma recette de nem, car je dois sûrement savoir mieux qu’elle. Je lui ai dit que je n’ai jamais fait de nems chez moi.
Après un certain temps, elle m’a demandé la recette du bobun : décidément, elle m’impose à la cuisine vietnamienne.
Dans le bistrot de mon meilleur ami, ils font de la street food chinoise : baos à la vapeur, raviolis, galettes, desserts traditionnels. N’empêche qu’il y a des clients qui demandent « Vous ne faites pas des sushis ? Il n’y a pas de nems ? » Je comprends tout à fait à quel point ça doit être énervant.
En fait, nous les chinois, on mange du chien tous les jours, tout comme les français mangent tous les jours des escargots en entrée, et des cuisses de grenouilles en plat. D’ailleurs, j’ai encore quelques cerveaux de singe et des serpents dans mon congélateur.