Mon métier de professeure de chant

Enseigner le chant lyrique demande beaucoup de patience, de patience et de patience. L’apprentissage technique est long, tout dépend de la collaboration prof-élève, que ça soit facile ou pénible.

Au cours de chant, je résumerais en 3 qualités principales en tant que professeure de chant : observer, écouter et imaginer. Pour les élèves qui sont forts en imitation et sont très visuels, il faut leur montrer les bons mouvements pour qu’ils répètent les mêmes gestes. J’observe leurs gestes en faisant le lien avec ce que j’entends que leur voix produit. Quand leur énergie est équilibrée, il faut capter tout de suite leur couleur de voix, même si elle apparaît une seule seconde. J’enregistre cette voix dans ma mémoire comme un repère, pour les aider à la reproduire. Les élèves s’adaptent petit à petit à mon langage, à comprendre ce que je demande, pour qu’on arrive vers le même but. Comme on dit toujours, un professeur de chant n’arrive pas tout seul, l’effort et la bonne volonté des élèves sont indispensables.

J’essaie de donner une ambiance d’apprentissage détendue, communicative, et un peu d’humour. Comme d’habitude, la communication n’est pas mon point fort, ça reste dans le cadre professionnel, le moins personnel possible. Surtout que le temps de chaque cours est limité, je n’ai pas envie de perdre du temps à raconter notre vie. Mais quand les élèves me parlent de leur vie, cela signifie une importance qui peut influencer leur voix. Je les écoute avec beaucoup d’attention.

J’ai une élève adulte, soprano avec énormément de tension sur les notes aiguës. Tout son corps était tendu, fermé. Je lui ai fait faire des exercices de souffle, de diction… presque un cours de relaxation. Un jour elle m’a raconté qu’elle était en dépression à cause de ses problèmes au travail, la colère l’épuise. Voilà la cause de sa voix crispée. Ensuite elle a arrêté 2 semaines les cours, son papa était décédé brutalement, un choc inattendu de plus. Quand elle est revenue au cours de chant, elle était calme. Comme un miracle, elle a réussi ses notes aiguës facilement. À ce moment-là, je savais qu’elle était battue par la vie, qu’elle avait arrêté de se révolter… Elle m’a dit que ça lui faisait du bien de chanter, je l’ai remerciée pour sa confiance. Même si je sens de la peine pour elle, je ne dois pas entrer dans ses détails, mon rôle n’est pas d’être son psy.

Pour moi, gagner la confiance des élèves vient de ma façon d’enseigner convaincante. Quand ils apprennent des choses, ils sentent l’amélioration. Notre « contrat » de partenaire est signé.

La préparation de mon travail est très important. C’est ici que mon imagination s’envole. Ça me prend énormément de temps pour leur choisir un répertoire, qui s’adapte à leur voix et aussi leur goût musical. Et puis il faut aussi vérifier la partition, éviter au maximum leurs difficultés techniques. Par exemple, pour une élève qui n’est pas à l’aise avec les voyelles fermées, éviter de lui donner un chant qui a plein de « i » sur les notes aiguës. Pour une élève qui a une faiblesse vocale dans les notes de passage, éviter les morceaux qui tournent dans ces notes pas confortables. J’imagine si le répertoire est accessible avec toutes ces conditions. Attention à vérifier, si tous mes élèves ont le même problème technique, c’est forcément de ma faute, je dois avoir un défaut d’enseignement.

Je ne suis pas quelqu’un d’optimiste dans ma vie quotidienne. Mais je suis très optimiste au travail avec mes élèves. Au lieu de corriger leurs défauts, on peut mieux y arriver en développant leurs points forts. Quand il y a la moindre progression, je suis contente d’eux, je les félicite pour leur réussite.

Je me pose de temps en temps cette question au cours avec mes élèves : « ce que je suis en train de faire, c’est pour moi, ou pour eux » ? La limite n’est pas si évidente, convaincre sans imposer… Les élèves doivent se poser la même question. Ils font pour moi ou pour eux-mêmes ? Je pense qu’au début ils font ce que je demande. Quand ils commencent à me poser des questions, c’est un très bon signe, ils deviennent autonomes.

Ce métier de professeure de chant est comme si j’aidais mes élèves à trouver la bonne clé pour ouvrir leur maison. Ils sont totalement libres de faire ce qu’ils veulent dans leur propre maison, je ne dois pas entrer dedans.

Une grande vertu en tant que professeur de chant, est d’oser dire « je ne connais pas, je n’arrive pas ». Ne pas se mettre au-dessus des élèves à jouer le rôle de Dieu tout puissant. La connaissance et l’intellectualité des élèves sont précieux. Si on peut ajouter toutes ces qualités dans notre collaboration, on va avancer dans un équilibre relationnel.

Depuis que j’enseigne, j’ai appris beaucoup de choses grâce aux élèves. Côté professionnel, enrichir mon répertoire, stabiliser ma technique, rechercher différentes méthodes. La profondeur de ce métier est inimaginable et passionnante. Côté personnel, j’apprends à être bienveillante, aimable et aussi stricte, avec beaucoup de patience, patience et patience. J’aime profondément ce métier.

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