La grève

On est dans une drôle de période de grève. Avant de venir en France, je ne connaissais pas ce qu’est une grève. Malheureusement, c’est un mot tellement familier pour le peuple français. « Aller manifester » égale « Aller faire une fête ». Cette fois-ci c’est contre la réforme des retraites.

Jeudi dernier, en rentrant de mes courses, j’ai vu la foule de manifestation qui arrivait vers moi. Plein de bruit, de fumée, les gens marchent lentement… De loin, je me suis dis « Merde, le zombieland est enfin arrivé ». Pas le choix, je dois traverser cette foule à contre-courant. La musique était très forte (bien sûr, c’était pas un air d’opéra), le rythme électro faisait cogner mon cœur. Les gens avec leurs hurlements se noyaient dans les fumées colorées. Je serrais le poignée de mon chariot, et évitait de croiser le regard des gens. J’étais tellement contrariée, que si quelqu’un était venu me parler, j’aurais été capable de le mordre en plein visage. Ce trajet a duré environ 10 minutes, toute mon énergie et ma bonne humeur sont retombées à zéro. J’avais envie de me cacher chez moi, ne jamais sortir.

Dans mon centre de formation, il y a des étudiants qui font aussi la grève. Un matin, j’ai été arrêtée par une étudiante en grève devant le portail. Je lui ai dit que je devais aller au cours, elle n’était visiblement pas contente de ma réponse. Elle ne savait pas qu’il est important de laisser une personne autiste d’aller jusqu’au bout de son but. J’ai préparé ma petite boite de repas la veille, je suis sagement allée au lit plus tôt que d’habitude, j’ai mangé plus d’avoine dans mon yaourt au soja le matin, j’ai pris mes comprimés d’anti-stress, j’ai fait une demi-heure de vélo… Tout ça pour venir faire ma journée de cours. M’interdire d’entrer serait un crime : rien que de repenser à cette scène, ça me remet en colère.

On entend souvent parler de « comportement défi ou inadapté » chez les personnes autistes, qu’on a du mal à accepter les changements. C’est parce qu’on dépense trop d’attention et d’effort : tout est préparé minutieusement dans chaque détail, pour atteindre un but. Si finalement le but bouge, c’est une catastrophe !

Je m’interroge aussi sur la question de « liberté ». Les gens ont le droit de faire la grève, c’est leur liberté. Moi, j’ai aussi le droit de ne pas y participer. Quand leur liberté dérange ma liberté, ça sent le pourri comme un pet.

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