Voici une vraie perle vocale que j’ai adoré : 6 lieder, op 13 de Clara Schumann, composé en 1841. J’ai chanté ce cycle en entier, je l’ai aussi fait travailler à mes élèves. Toutes les 6 parties ont du charme, dans une continuité qui respecte leur style cohérent. J’apprécie ces œuvres vocales mélodiques, mais aussi humaines. C’est-à-dire qu’elles restent dans une tessiture confortable, ne touchent pas notre extrême limite, et on a le temps de bien respirer, pas de phrase trop longue à retenir. Chanter ce cycle est tout à fait agréable, il ne nous incite pas à forcer la voix.
Tout le monde connaît Robert Schumann. Et puis il y a sa femme, Clara, comme pianiste. Je trouve que c’est injuste de ne pas reconnaître sa valeur.
C’est d’abord Clara Wieck, enfant prodige, elle a commencé à jouer en public à partir de 10 ans. Elle a rencontré Liszt, Chopin, Mendelssohn… tous les grands musiciens de son époque. Liszt a dit : « Son talent me charme, il y a chez elle une supériorité réelle, un sentiment profond et vrai, une élévation constante. ». Il lui dédie les études d’après Paganini, ce qui prouve le niveau de virtuosité de Clara. Elle a fait partie de ce cercle des élites musicaux, ce qui était très rare pour une femme de son époque. Sa carrière internationale de pianiste a duré 60 ans.
Clara a commencé à composer très jeune. Principalement dans la musique de piano, les variations, les romances, les concertos… Curieusement, la musique de Chopin paraît plus féminine que celle de Clara. Je trouve qu’il y a une harmonie très riche et des thèmes variés dans ses œuvres. Le niveau technique est exigeant, les grands écarts demande beaucoup de force des mains, il faut de la souplesse qui s’adapte à la vitesse rapide en même temps.
Avant de se marier avec Robert Schumann, elle interprète principalement les œuvres de Robert. Elle a mis en valeur ses œuvres en les jouant, c’est aussi grâce à elle qu’il est devenu un compositeur connu. Leurs pièces de composition étaient comme des lettres d’amour, qui échangent leurs sentiments en secret.
La polémique des œuvres « volées » par son mari est connue dans le monde de la musique. Lors de leur premier Noël commun en 1840, elle lui a offert quatre lieder. Il a été bluffé par son talent. Vous devinez la suite ? Ces partitions sont publiées avec ses lieder à lui. C’était ça leur idéal de fusion conjugale ? Le voleur !
Quand je vois ces lieder de Clara, son écriture est assez caractéristique. La mélodie de chant est bien liée et fluide, mais avec une partie piano très verticale. C’est très difficile de jouer les accords en épaisseur et rapidement tout en gardant de la légèreté. Quand on voit certains lieder de Robert Schumann, leur ressemblance est évidente, c’est normal d’avoir un soupçon.
Robert ne gagne pas assez de ses compositions pour assurer leur vie de grande famille, donc elle doit continuer sa carrière d’interprète. Elle doit aussi faire les tâches ménagères et s’occuper de leurs enfants. Les rôles de Clara sont, dans l’ordre : la pianiste, la mère de 8 enfants, la professeure de piano, la compositrice en dernier.
« Il fut un temps où je croyais posséder un talent créateur, mais je suis revenue de cette idée. Une femme ne doit pas prétendre composer. Aucune encore n’a été capable de le faire, pourquoi serais-je une exception ? Il serait arrogant de croire cela, c’est une impression que seul mon père m’a autrefois donnée. ».
Quelle tristesse ! C’est un exemple écrasé par la société et sa propre vie. Elle n’a pas eu le soutien et l’encouragement qu’elle méritait. Cachée dans l’ombre de son mari et son meilleur ami Brahms, son métier de compositrice n’était pas valorisé.
J’ai lu un article « Si Clara Schumann avait eu la pilule… », c’est sûr qu’elle aurait été plus brillante et célèbre.